Christiane Grégoire et Jacques Blouin ont fait l’acquisition de la ferme Rosacée en 1999 à Saint-Pierre de l’Ïle d’orléans. C’était un projet de retraite qui a évolué au fil du temps et qui est devenu un vignoble à part entière. La consécration s’est faite avec le premier millésime, le 2018 et la demande a été telle qu’on a triplé la production avec le millésime 2019.

Christiane Grégoire et Jacques Blouin vignerons et propriétaires de Saint-Pierre Le Vignoble

Bien que ce soit seulement le deuxième millésime à Saint-Pierre Le Vignoble, les vins sont surprenants de par leur qualité, leur équilibre et leur profil aromatique des plus savoureux. On a choisi d’élaborer des vins à partir de cépages hybrides en harmonie avec le terroir et le climat et les résultats sont probants. 

Non seulement j’ai beaucoup aimé les 3 vins qu’on m’a envoyé, mais j’ai apprécié l’approche créative qui sous-tend autant l’emballage que l’environnement du chai et de la salle de dégustation. C’est classique, minimaliste et d’un style épuré.

L’éventail des produits est sagement limité à 6 produits dont 3 blancs, un rosé, un mousseux et un rouge et les vins sont disponibles au vignoble ainsi que dans quelques épiceries fines. Les vins du vignoble sont identifiés par le sceau de qualité IGP Québec véritable promesse de qualité et d’authenticité du savoir-faire des vignerons québécois.

Pour en savoir plus sur ce vignoble, lisez l’entrevue que j’ai faite avec Jacques Blouin, vigneron et co-propriétaire du vignoble. Vous le trouverez suite aux notes de dégustation.

Saint-Pierre Le Vignoble

Notes de dégustation

Parfum d’Acadie, Saint-Pierre Le Vignoble, Québec, Saint-Pierre de l’Ïle d’Orléans, vin blanc, IGP, 2019, $17.85, cépages : Acadie Blanc, sucre : min. d’un gramme/l, alc. : 12.0%.

Ce vin s’ouvre sur des effluves bien aromatiques de fruits blancs, d’arômes floraux, de notes boisées fort discrètes ainsi qu’un soupçon de pamplemousse, d’amandes et une belle sensation de minéralité. En bouche la texture est quelque peu ferme, l’acidité bien présente et les flaveurs de pamplemousse, de zeste de citron ainsi qu’une légère trame vanillée lui donnent un profil aromatique des plus succulent. La finale est d’une belle persistance.

Rêverie, Saint-Pierre Le Vignoble, Québec, Saint-Pierre de l’Ïle d’Orléans, vin blanc, IGP, 2019, $16.95, cépages : Acadie Blanc, Frontenac Blanc, sucre : min. de 6 grammes/l, alc. : 12.2%.

Au nez, il est un peu moins aromatique que le précédent avec une belle perception de minéralité, des arômes bien subtils de fruits blancs et d’agrumes avec comme une trame légèrement sucrée. En bouche ce vin possède une belle structure, la texture est veloutée, l’acidité est équilibrée et les flaveurs assez intenses d’agrumes et de fruits blancs se prolongent en une belle finale bien soutenue.

Rosée Matinale, Saint-Pierre Le Vignoble, Québec, Saint-Pierre de l’Ïle d’Orléans, vin rosé, IGP, 2019, $16.45, cépages : Radisson, Marquette, Frontenac blanc et Vidal, sucre : min. de 4 grammes/l, alc. : 11.6%.

Coup de cœur pour ce rosé des plus aromatique! Le nez est tellement charmeur, bien floral avec des notes fruits rouges et un fruité qui a comme un côté bonbon/‘’gomme balloune’’ qu’on retrouve quelques fois dans les vins rosés. La bouche est bien veloutée, l’acidité est équilibrée et les flaveurs assez discrètes de fruits rouges lui donnent un profil vraiment savoureux. Pas besoin de chercher plus loin pour trouver un vin rosé pour l’été qui vient.

Entrevue avec Jacques Blouin, vigneron et co-propriétaire de Saint-Pierre Le Vignoble

VF (Vinformateur) : ‘’Pourriez-vous nous parler de vos débuts, des raisons qui vous ont amenés tous les deux à vous lancer dans l’univers du vin’’?

JB (Jacques Blouin) : ‘’Nous sommes arrivés à l’Île d’Orléans en 1999 avec l’objectif d’un jour s’installer ici en permanence. Nous on est des amoureux de l’Île. Nous étions à la recherche d’une fermette et nous avons trouvé le site où nous sommes présentement. Alors on a acheté en 1999 dans le but de devenir ‘’Gentleman Farmer’’.

Les 10 premières années qu’on s’est installé ici, mon épouse a cultivé des petits fruits et les vendait dans son kiosque. Nous avons vite réalisé que pour rentabiliser ce genre de produit, surtout au niveau des produits transformés, il fallait avoir des surfaces de cultures très importantes ce qu’on n’avait pas.

Saint-Pierre Le Vignoble

Alors au bout de dix ans j’ai pris ma retraite du monde de l’acier, car je suis ingénieur de formation, ou j’ai évolué dans le domaine de la charpente métallique presque durant toute ma carrière. Quand j’ai pris ma retraite en 2013, on s’est installé de façon plus permanente.

On s’est alors questionné à savoir comment rentabiliser de façon optimale notre investissement. On était certain que notre avenir n’était pas au niveau des petits fruits.  Dans la zone cultivable nous avons potentiellement environ 5 hectares. On s’est demandé ce qu’on pouvait avec ces 5 hectares. On est amoureux de la terre, d’abord et avant tout on aime la culture, on aime les grands espaces à l’Île d’Orléans.

Alors on s’est demandé quel genre de culture pourrait être rentable avec des petites surfaces comme celle que nous avions. Parce que 5 hectares c’est grand, mais ce n’est pas si grand que ça.

Nous avons fait différents plans d’affaires avec différents scénarios et nous sommes arrivés à la conclusion que c’était la vigne qui était la meilleure solution sur une petite surface dans la mesure où on transforme la culture. Si on ne transforme pas, il n’y a pas de rentabilité à espérer de juste cultiver et vendre les raisins.

Saint-Pierre Le Vignoble

Suite à tout ça, nous avons commencé à planter en 2013 avec 2 hectares. Tout notre développement on l’a fait avec Jérémie d’Hauteville qui est un des meilleurs œnologues au Québec. Il connaît très bien les cépages rustiques (hybrides) au Québec. Puis s’est joint à nous Aurélien Angeard un français établi au Québec depuis une dizaine d’années et qui nous a apporté son expertise en viticulture et en viniculture.

Un des éléments de notre plan d’affaire c’est qu’on n’allait pas vers le Vinifera (Vitis Vinifera : cépages dits internationaux tels Chardonnay, Pinot Noir etc.) et on voulait focaliser sur les cépages rustiques (hybrides).

Jérémie d’Hauteville, Co-fondateur et oenologue conseil, RJ Oenology

En amont nous avons décidé de produire de bons vins blancs, un rosé et éventuellement un rouge et un mousseux. À la lumière de ce qu’on voulait faire et le genre de vin qu’on aime, Jérémie nous a conseillé divers cépages. On départ on avait du Vidal, du Frontenac blanc, du Marquette, de l’Acadie et du Radisson.

L’Acadie blanc, c’est notre cépage de prédilection. C’est un excellent cépage. Par contre, il a des particularités au niveau de la culture dépendamment de sa situation et de sa parcelle. Il faut le protéger  et le tailler de la bonne façon. On vise des tailles basses pour le protéger ce qui l’aide à passer au travers de l’hiver. C’est un cépage qui a un excellent potentiel autant en assemblage ainsi qu’en monocépage.

Saint-Pierre Le Vignoble

De 2013 à 2018 on vendait nos raisins à un autre vignoble ici sur l’Île, et l’année passée on a commencé une première vinification avec 5,000 bouteilles pour se faire la main. Moi c’était ma première vinification et avec le concours de Jérémie on a obtenu d’excellents résultats. Cette année nous avons décidé de tripler notre production avec environ 16,000 bouteilles.

L’an passé je disais à Jérémie qu’on avait un surplus d’Acadie blanc. On se demandait si on pouvait faire une expérience avec un vin en mono-cépage à 100% d’Acadie blanc. C’est ce qui a donné ‘’Parfum d’Acadie’’. Il est légèrement boisé, c’est un gros vendeur. Est-ce que vous y avez goûté’’?

VF : ‘’Oui et je l’ai particulièrement apprécié. En fait j’ai trouvé les notes boisées des plus discrètes et bien intégrées’’.

JB : ‘’Oui c’est effectivement ce qu’on recherchait. Parce que les jeunes vignes dans des tonneaux de chêne ça peut goûter la planche. Alors il faut y aller très très doucement avec le boisé sur ce genre de cépage. Donc je disais, ça a donné ‘’Parfum d’Acadie’’ que j’aime beaucoup. Un très bon résultat.

Présentement nous avons 3 blancs, un mousseux, un rouge et un rosé à partir de 3 hectares de vignes. À maturité avec la dernière phase de plantation, nous allons cultiver les 5 hectares. L’objectif c’est de produire entre 25 et 30,000 bouteilles. Les vins que nous allons produire sont déjà déterminés. On ne se mettra pas à développer plein d’autres vins. Peut-être un rouge un peu plus boisé, car actuellement les vignes sont plus vieilles. Mais présentement on va se limiter à ces 6 vins’’.

Vins Saint-Pierre Le Vignoble

 VF : ‘’Je dois avouer que selon moi c’est très sage de se limiter à quelques vins au lieu de se lancer dans un éventail plus large. De plus, mettre l’accent sur les blancs et sur les hybrides m’apparaît comme d’excellentes décisions’’.

JB : ‘’Si tu as trop de produits, tu finis par te cannibaliser toi-même. Notre plan de match est basé sur ces vins là et de les bonifier et les améliorer année après année. C’est ce qu’on vise. Jérémie est comme nous très satisfait des résultats à date. Quant aux cépages Vinifera, je ne dis pas que je ne tenterai l’expérience un jour mais ça sera sur une petite parcelle.

Mais je pense qu´on a fait la démonstration qu’on est capable de produire de très bons vins avec les cépages hybrides avec lesquels on travaille présentement.

Aller compétionner les grands vins du monde , les Riesling, Chardonnay et autres il y en a qui le font bien comme le vignoble Les Pervenches par exemple, mais ici à l’Île d’Orléans ce n’est pas la Montérégie. La maturité est rarement là. Nous à tort ou à raison, on a pris cette décision-là. À date ça donne des bons résultats’’.

VF : ‘’Au niveau des sols, comment avez-vous déterminé de planter quel cépage dans quelle parcelles’’?

JB : ‘’Par ici, on a du Loam argileux. On est situé du côté nord de l’Île. Le flanc nord de l’Île, comme un plateau du côté nord du Chemin Royal. Du côté sud c’est sur du Loam argileux mais qui est plus sablonneux que la parcelle où est le plateau au nord. Le cépage l’Acadie se comporte très bien dans l’argile, le Marquette performe moins bien dans l’argile. C’est un cépage plus fragile surtout au niveau de la température.

Quand on a commencé, on ne connaissait pas grand-chose là dedans. Avec toute l’expérience qu’on a développée, maintenant ce qu’il faut faire, avec notre climat ce sont des tailles basses. Certains cépages comme l’Acadie dépendamment de la parcelle, il faut le protéger’’.

Saint-Pierre Le Vignoble

VF : Pourquoi la taille basse? Est-ce que ça ne favorise pas les maladies de la vigne comme le mildiou’’?

JB : ‘’Il faut le faire pour la protection hivernale. Les parcelles qu’on a ici, sont super bien ventilées. D’ailleurs c’est une des caractéristiques de l’Île car il y a beaucoup de vent.  Comme le cépage Vidal, c’est un des cépages qu’on a plantés en 2013 en commençant. Mais celui-là on a été obligé de l’arracher il y a une maladie qui est rentré dedans’’.

VF : ‘’Donc vous avez une cible de 25 à 30,000 bouteilles. La terre a 26 hectares, est-ce que vous avez beaucoup de potentiel de développement’’?

La terre a 26 hectares mais on a que 5 hectares de surface cultivable. Et ça répond à notre plan d’affaire. Selon moi la rentabilité est au rendez-vous avec de 20 à 25,000 bouteilles. Sous ce seuil, c’est très difficile à rentabiliser’’.

Saint-Pierre Le Vignoble

VF : ‘’Parlez-moi de votre réseau de distribution’’.

JB : ‘’On est présent dans 2 épiceries fines et on va développer ça cette année. A cause de la Covid, c’est pas mal arrêté. Ici à l’île d’Orléans c’est très touristique. On est capables de vendre 80% de nos vins sur place à cause de l’achalandage. Au niveau de la commercialisation c’est relativement facile, en fait beaucoup plus facile que pour un vignoble qui est site à l’intérieur des terres par exemple. Il passe 1,000,000 de visiteurs par année.

Cette année ce que ça va donner je ne le sais pas. Il n’y a pas grand monde qui peut le prédire.  Sauf qu’on a à gérer la distanciation. En prévision de cette situation nous avons ouvert une boutique en ligne. À date ça répond très bien même au-delà de nos attentes. Mais on ne remplacera pas l’achalandage sur place. Mais ça aide à amoindrir l’effet négatif de la Covid.

Au niveau de la commercialisation, notre plan d’affaire c’est de focaliser sur les ventes sur place. L’autre 20% proviendra des épiceries fines’’.

VF : ‘’Au niveau oeno-tourisme y a-t-il quelque chose de particulier au niveau de votre plan d’affaire’’?

JB : ‘’Présentement nous n’avons pas de restauration sur place. On travaille le dessus parce qu´on ne veut pas avoir une roulotte à patate. On veut des produits du terroir et on cherche un partenaire de qualité qui s’occuperait de cet aspect-là. Mais ce n’est pas pour présentement. A cause du problème de la Covid on a mis ça sur la glace. Le momentum n’est pas bon. Éventuellement on aura une offre à ce niveau là’’.

Saint-Pierre Le Vignoble

Saint-Pierre Le Vignoble, un must à visiter aussitôt qu’on le pourra!!