J’étais à Vosne-Romanée à la recherche du mythique vignoble de la Romanée-Conti avec Luc Marier mon comparse de voyage. Comme plusieurs, j’avais entendu parler que ce vignoble était des plus discret quant à sa signalisation et pas facile à trouver. Pas de pancarte qui annonce le domaine, aucune indication sauf une fois qu’on est devant, une simple croix de pierre bien discrète qu’on a vu des centaines de fois sur des photos qui indique qu’on est bien devant. J’étais bien loin de réaliser qu’une rencontre avec un cheval allait ouvrir un univers méconnu que celui du cheval vigneron.Ratatouille et Dominique

Tout juste en face du vignoble était stationné un camion avec un monsieur qui mangeait son sandwich et un cheval qui lui mangeait son foin. Rencontrez Dominique et son cheval vigneron Ratatouille qui effectue en tant que prestataire exclusif tout le travail de labour en biodynamie du domaine Romanée-Conti. Et quelle rencontre! Dominique rencontre des centaines sinon des milliers de personnes chaque année qui lui posent diverses questions sur le domaine. Peu se sont intéressés aux chevaux et c’est là que la conversation a débuté.

‘’Dominique Thallinger et Nadine Canivet se sont embarqués dans la folle aventure du labour à traction animale en fondant leur société équi-PrestaTerre en janvier 2013. Ils se sont lancés par amour du cheval, mais aussi de la vigne. Dominique a toujours été dans le milieu équin. Cet ancien maréchal-ferrant fait tout de A à Z pour le bien-être de ses chevaux; il les ferre, prépare leur nourriture avec un mélange spécial et les met au pré dans de grands espaces. ’’.  (Source : Journal Le bien public).

Comme le dit Nicolas Joly du Domaine de la Coulée de Serrant : ‘’Travailler la terre avec des chevaux, ce n’est pas du folklore, de la décoration, ou mieux encore de la pub liée à une stratégie de marketing. C’est un choix de modèle de culture, voire même de mode de vie. Car les chevaux tassent beaucoup moins la terre qu’un tracteur, permettant ainsi une vie microbienne plus riche. Cela réduit du coup les besoins en produits chimiques pour traiter les maladies. De plus les chevaux ont un impact social sur les humains ce qui n’est pas à négliger’’.

Dominique Thallinger fait partie de ce groupe de prestataires en émergence qui répond aux demandes sans cesse croissantes des travaux et labours équestres qui viennent avec l’essor de l’agriculture biologique et biodynamique. Comme l’avançait La Confrérie de la Vigne et du Cheval de Trait en 2003 : ‘’L’Utilisation des équidés dans le vignoble doit se faire par des prestataires de service habitués à mener et à soigner un cheval et qui savent entretenir le matériel adéquat pour le travail de la terre car tout cela est un savoir acquis avec le temps…Les vignerons ne sont plus habitués depuis bien longtemps à voir des chevaux évoluer autour d’eux dans les vignes…’’. Source : Attelages et attelés – un sciècle d’utilisation du cheval de trait – Éditions France Agricole.

En tant que prestataire exclusif, Dominique rencontre régulièrement M. Aubert de Villaine propriétaire du Domaine. ‘’C’est un charmant monsieur qui nous traite de façon exemplaire. Il nous fait sentir comme partie prenante de l’équipe’’.

Le cheval et l’agriculture biologique et biodynamique

‘’Avec un cheval, on ne compacte pas la terre comme avec un tracteur, donc la vie microbienne du sol n’est pas abîmée. On est vraiment sur le respect de la plante, du terroir. On en revient à ce que nos ancêtres faisaient avant. De cette terre fraîchement retournée émergent des vers de terre ou des fourmis, que le labour a dérangés en plein travail. Un écosystème a repris possession des lieux’’. Source : Emmanuel Sainson chef de culture Château de Pommard.

De plus comme nous l’expliquait Nicolas Joly du Domaine de la Coulée de Serrant (un des fervents croyants de la biodynamie), lorsque nous l’avons rencontré, la simple présence animale dans la vigne, crée un apport énergétique indispensable à la vie de la plante. Un cheval dans le vignoble, c’est la rencontre de l’animal et du végétal. Une rencontre au sens de l’amour et du partage. D’ailleurs, quand les professionnels parlent de leur cheval, ils disent souvent : « Il a du cœur ». Comme une symbiose entre le vigneron et le cheval.

Selon Dominique, il peut décavaillonner un hectare de vigne par jour avec Ratatouille ce qui est évidemment bien moins qu’avec un tracteur. Il est évidemment donc plus cher de traiter ses vignes avec un cheval et certains vignerons l’utiliseront pour des parcelles particulièrement difficiles à atteindre avec un tracteur ou dans le cas de vins dont le prix peut justifier cette pratique. Cependant bien que les coûts soient plus chers, on pérennise terres pour de nombreuses années et conséquemment on en augmente la valeur.

Alors que l’agriculture biologique et biodynamiques sont en forte croissance, l’impact sur le développement de l’industrie chevaline l’est autant. Si la pratique s’est perdue au profit de cette ère industrielle post grandes guerres, elle revient de plus belle aujourd’hui dans les vignes. Même ‘’une École Nationale du Cheval Vigneron a même été créée cette année en Nouvelle Aquitaine pour répondre à la demande croissante de la Viticulture avec les Chevaux de Trait afin de dispenser toutes les formations nécessaires pour acquérir ce magnifique métier qui ne s’invente pas’’. Source : Winameety.com – Cheval de trait, ami du Domaine de Pommard.

De plus, l’organisme Demeter (agronomie biodynamique) renseigne bien les agriculteurs et viticulteurs sur l’utilisation de la traction animale : ‘’La relation entre un meneur et son cheval doit être semblable à celle entre un chef d’équipe et ses ouvriers. Le cheval est un animal très sensible et si le lien fonctionne bien, cela va au-delà d’une relation de travail. Ce lien nous le sentons évoluer (positivement !) de jour en jour.

Nous sommes totalement et volontairement pris dans ce raisonnement et pour nous il n’y a que des avantages à la traction équine. Vous l’aurez compris, le travail des sols au cheval, c’est d’abord la garantie de retrouver un sol sain. Le cheval travaille la terre tout en douceur, il remet les sols en état et permet ainsi une meilleure nutrition du cep. Comme la terre est moins dure, les racines s’enfoncent plus profondément’’. Source : Demeter – La traction animale – Domaine Bret.

La Survie des chevaux

Et c’est la survie de ces chevaux vignerons. Des races de chevaux presque plus utilisés depuis 50 ans avec la boucherie comme seul débouché se voient devant un sort plus désirable. ‘’Aux vignerons attachés aux usages locaux, à une culture, à des cépages, à des gestes originaux qui font l’identité de leurs terres, je rappelle qu’au début du siècle, leurs aïeux avaient patiemment sélectionné la race adéquate de chevaux pour leur vignoble. Grâce en partie aux haras nationaux, ces races sont encore à leur disposition.

Parmi les neuf races de chevaux de trait françaises, je ne résiste pas au plaisir d’évoquer le doux Ardennais, très utilisé dans le débardage, l’Auxois, un peu moins fort mais plus souple, le Boulonnais, très énergique, surnommé le “pur-sang des traits”, le Breton et notamment dans sa version “postier” plus léger mais très robuste, le Comtois, endurant et rustique. Le Percheron est grand et massif, plus svelte dans son modèle “diligencier”, ou encore le Trait du Nord, l’un des plus costauds. Sa puissance est recherchée en attelage. Des trésors régionaux comme le sont vos appellations, chers vignerons’’. Source : LRVF – L’attrait du cheval – Antoine Gerbelle.

Épilogue

Je me rappelle je devais avoir 6 ou 7 ans le jour ou notre laitier est arrivé avec un camion de livraison!! Mais où donc était rendu le cheval que je voyais régulièrement? Eh bien on ne reverra pas de sitôt ces chevaux dans nos rues. Mais il est de retour dans les vignes et c’est une excellente chose pour tous y compris les chevaux comme Ratatouille!!

Sources d’informations additionnelles

https://www.bienpublic.com/region-dijonnaise/2013/08/20/le-cheval-de-trait-de-retour-pour-labourer-la-vigne

https://www.larvf.com/,vins-biodynamie-cheval-de-trait-vignes-tracteur-tire-bouche-antoine-gerbelle,2001104,4245054.asp

https://www.la-croix.com/Culture/Labour-cheval-orties-chateau-Pommard-passe-biodynamie-2018-05-18-1300939973

https://winameety.com/fr/articles/le-pourquoi-du-comment/cheval-de-trait-ami-des-vignes-du-chateau-de-pommard

http://pascal-lagneau.com/parution-dans-la-revue-jours-de-cheval-n13/ 

https://www.youtube.com/watch?v=MNJnNF44ctA