Nous avons tous acheté une bouteille de vin sur laquelle était apposée une étiquette ou un médaillon clamant que le vin a gagné une médaille dans tel ou tel concours. Et des concours, croyez moi il y en a beaucoup beaucoup tant sur une base locale, régionale, nationale que mondiale.

Mais saviez-vous que le plus important concours de vins au Canada et un des plus importants dans le monde est le concours Sélections Mondiales des Vins Canada qui a vu le jour il y a maintenant 27 ans? En fait c’est un des concours qui a démarré ce qui est maintenant un créneau des plus important dans le monde vinicole, les concours de vins.

Réal Wolfe – président Concours Sélection Mondiales des Vins Canada

C’est Réal Wolfe qui fin des année 80 alors employé à la SAQ a proposé à cette dernière de mettre sur pied un concours de vin de calibre international. Et pendant une dizaine d’années il en a fait un succès planétaire. Puis sa carrière a évolué dans le monde du vin autant à la SAQ que dans diverses agences d’importation de vins et d’entreprises dans le monde du vin. Puis l’année dernière il a bouclé la boucle en faisant l’acquisition du Concours qu’il avait mis sur pied il y a 27 ans dans le but de redynamiser la marque et d’en assurer la pérennité.

À ce challenge s’en est ajouté un autre celui là totalement inattendu – la Covid. Il a fallu puiser dans son énergie, ses compétences, ses contacts et ses relations forgées au fil du temps pour finalememt avoir raison de la Covid et mettre sur pied de façon plus que sécuritaire ce concours en Octobre de l,année dernière. Et malgré tout, le concours a connu un vif succès avec 38% plus de vins représentés que l’édition de l’année dernière (2,160 vins provenant de 33 pays).

Mais comment s’y est-il pris pour relancer ce concours dans de telles circonstances alors que tant d’événements ont été cancellés durant ces temps difficiles. Et comment a-t-il pu surpasser ses objectifs qui même sans Covid étaient passablement ambitieux?

Pour le savoir j’ai fait cette entrevue avec Réal Wolfe lors du dernier concours à Québec. En fait il faut savoir que Réal m’avait demandé de faire partie des 60 juges du concours et j’en ai profité pour échanger avec lui. Voici donc cette etrevue fort intéressante.

Entrevue avec Réal Wolfe

(VF) Vinformateur : Bonjour Réal, parles moi du concours et des challenges auxquels vous avez dû faire face pour la mettre sur pied en pleine Covid?

(RW) Réal Wolfe : Le concours Sélections Mondiales des Vins Canada existe depuis 27 ans. Il a connu son origine dans un des salons des vins de Montréal au sein d’une compétition interne pour les producteurs et personnellement j’ai commencé à m’en occuper en 1989 pour devenir opérationel en 1990. À l’époque j’étais employé de la SAQ je venais de terminer ma maîtrise en administration internationale.

J’avais alors un projet pour mettre en place un concours de vin international. J’ai donc présenté un plan de développement à l’international dans lequel j’avais identifié les pays producteurs, leur importance relative afin de déterminer avec lesquels il fallait mettre le focus pour développer un tel concours.

À ce moment à la SAQ, tous les producteurs voulaient être sur les tablettes et à partir de ce plan stratégique nous avons commencé le développement de cette compétition en 1990. Nous étions parmi les tout premiers concours dans le monde et parmi un des plus importants surtout en Amérique du Nord.

Notre leadership nous a amené à rencontrer rapidement d’autres groupes qui voulaient faire de même. J’ai donc, entre autres, aidé à mettre sur pied le Concours Mondial de Bruxelles qui n’existait pas alors et qui se joignait à celui de Vinitaly. Rapidement les choses se sont développées et grâce à une sorte de collégialité qui existe entre les concours ceci m’a amené en 1994 à créer la Fédération Mondiale des Grands Concours de vins à Lubiana en Slovénie. Il y avait à cette époque 8 concours dont celui Vinandino qui n’existe plus, le conclours Urgurp en Turquie qui a cessé ses opérations, Vinitaly, le Mondial de Bruxelles, Bacchus en Espagne, Sélections Mondiales et celui de Paris. J’ai donc été responsable du concours Sélections Mondiales de 1990 à 1998.

C’était le véhicule de la SAQ pour le développement des affaires. C’était avant l’apparition des guides, avant Parker, avant le Wine Spectator. On a fait plein de choses nouvelles comme en 1994 alors que nous avons été le premier concours au monde avec les résultats sur internet. Jean-François Demers avait repertorié toutes les addresses internet du monde du vin et on a envoyé les résultats à environ 150 personnes. J’avais 30 ans à ce moment là et ça été un truc phénoménal.

Pendant 10 ans, j’ai fait le tour du monde, je suis allé dans tous les concours et j’ai développé plein de relations avec les organisateurs, découvert plein de vignobles, et travaillé à faire de ce concours un élément important des stratégies de la SAQ.

En 1998 avec l’arrivée de M. Frigon (président de la SAQ) je suis passé au Marketing à la SAQ. J’étais Secrétaire Général du Concours Sélections Mondiales et de la Fédération Mondiale des concours de vins. Je suis donc devenu Directeur du Marketing à la SAQ et j’ai du laisser le Concours. Par après ma carrière s’est  dirigée vers les agences de représentation et je suis devenu Directeur Général d’une agence et par la suite je suis passé chez Univins.

Pendant ce temps le concours Sélections Mondiales s’est développé comme ça en même temps que tous les autres concours. Maintenant, de nos jours il y a une multiciplicité de ces concours. Par exemple en Allemagne en mars il y a 3 concours importants dont le Mundus Vini, le Berliner, le Frankfort Wine Contest. Donc il y en a partout. Du 15 février au 15 avril de chaque année il y a plein de ces concours.

Je suis toujours resté quand même très proche du Concours Sélections Mondiales car c’est comme mon bébé puisque j’y ai beaucoup travaillé. J’étais toujours sur le comité organisateur et quand Maître Laflamme (Ghislain K. Laflamme – président de VINOFED et de Sélections Mondiales des Vins Canada) est décédé (2017) les chose ont changées. L’entreprise se cherchait une nouvelle orientation et l’opportunité s’est présentée d’insuffler une nouvelle orientation et une nouvelle dimension au concours. J’ai alors décidé de faire l’acquisition du concours en novembre 2019.

Mon objectif était de reprendre le concours pour une question de pérennité, car c’est un concours important pour l’industrie en Amérique du Nord et au niveau mondial, et c’est Montréal qui avec ce concours devient la plaque tournante du vin dans le monde. Selon moi, dans les dernières années, le concours avait pris une dimension plus locale et était moins diffusé à l’international. Il s’était aussi un peu distancé des agents promotionels ainsi que la SAQ.

Alors mon objectif était, entre autres, de redynamiser le concours. Je me suis alors associé avec un partenaire espagnol qui est dans le domaine du vin, la maison OenoPassion, et qui met sur pied une série de salons de par le monde. C’est un partenaire stratégique important pour le développememt développer du concours sur la scène mondiale.

Ce n’était pas nécessairement le meilleur temps pour acheter le concours et le redémarrer en pleine Covid mais nous y sommes arrivés et ce avec des résultats très probants! Et nous en sommes très fiers! Nous avons eu 2,160 inscriptions provenant de 33 pays ce qui est le record de tous les temps. Une augmentation de 38% par rapport à l’année passée! En situation de Covid faut le faire! C’est assez exceptionel!

Ça ne s’est pas fait tout seul. Nous avons lancé le concours le 15 janvier 2019  et déjà au 5 mars nous avions de 300 à 400 produits déjà inscrits pour un concours qui à ce moment là devait se terminer fin mai. Et puis évidemment par la suite, avec la Covid, il ne se passait plus rien surtout au niveau de l’Europe. En Italie c’était comme la guerre avec un confinement généralisé. Alors nous nous sommes mis en mode silence après avoir communiqué que nous reportions la date du concours en juin pour rapidement se raviser et le recéduler en octobre.

À partir de juillet nous avons beaucoup travaillé à confirmer aux gens que nous étions toujours là et que nous jugions que tout se passerait bien. Avec tous les producteurs qui étaient déjà inscrits nous ne voulions certainement pas tout arrêter. Ces derniers avaient fait l’effort de s’inscrire et donc par respect pour eux il fallait aller de l’avant.

Réal Wolfe – Concours à Québec

Nous avons donc été portés par l’espoir en se disant que nous serions probablement le dernier concours de l’année ce qui nous apportait un réel avantage de visibilité. Et c’est un message qui a passé car tout a redémarré en force et nous avons repris notre envol. Vers fin août, début septembre nous recevions de 300 à 400 inscriptions chaque semaine.

Nous avons beaucoup travaillé avec les partenaires de l’industrie dont A3Québec (l’association des agences au Québec) et leur membership qui ont travaillé avec nous. Nous en avons profité pour signer des ententes avec divers pays dont le Mexique qui nous a approté 90 produits, avec l’Arménie avec 56 produits, la Moldavie avec 73 produits, la Roumanie avec une soixantaine et nous avons relancé l’Argentine et le Chili pour au final arriver à un total de 2,160 vins. Le pays le plus important en terme de représentation étant l’Italie (1e) avec 384 vins, suivi par la France (2e), le Portugal (3e) et l’Espagne (4e) .

J’ai toujours gardé le focus et la vision dans ces moments difficiles et les relations que j’ai forgées au fil des années m’ont beaucoup aidé. Ces résultats permettent de dire que le concours a rebondi et que clairement une nouvelle administration des plus dynamique apporte un essor important au concours.

Équipe de service – Québec 2020

(VF) : Quels sont les grands bénéfices pour les associations et producteurs d’y participer?

(RW) : Ce que je n’ai cessé d’expliquer aux producteurs et aux brand manager responsables de marques au sein des agences : pourquoi on participe à  un concours? Il y a trois raisons qui motivent une telle décision : 1) Quant on a un portefeuille de produits pour un brand manager, si un produit réussit bien dans un tel concours, les impacts peuvent rejaillir sur l’ensemble des produits du producteur et de l’ensemble de la gamme et sa déclinaison.

2) Les produits qui ne bénéficient pas d’une distribution actuelle peuvent, avec un bon résultat, apporter un apport sérieux aux stratégies de développement non seulement pour ce produit mais aussi pour les autres produits de la gamme. 

3) Et la troisième raison porte sur les projets spéciaux : si une cuvée particulière n’est pas connue, un essai au niveau des assemblages peut par exemple aider à aller chercher une reconnaissance qui peut aider au niveau du développememt du produit et de la gamme.

Ces éléments peuvent aider au niveau de la planification stratégique d’une marque. Après, tout dépend de la façon dont ces derniers vont utiliser et intégrer ces résultats dans leurs propres stratégie de communication. Comment ils vont utiliser les résultats pour leur image, pour leurs relations avec les acheteurs, leurs réseaux de distribution etc.

Cette année nous avons revu le prix du jury décerné par pays. Dans la structure que nous avons on retrouve des médailles Grand Or, des médailles d’Or et des médailles d’Argent et j’ai en plus voulu travailler sur la notion du meilleur vin sur une base nationale chose que nous avions déjà faite de 90 à 98. Donc un vin pourrait par exemple obtenir une médaille Grand Or et aussi le meilleur vin italien du concours. En prenant cette approche, je m’addresse aux producteurs mais je m’addresse aussi à la région et aux associations qui font la promotion de l’offre des vins italiens ou d’autres pays.

C’est une approche qui entraîne une stratégie de communication dans chaque pays représenté. Cette communication comprendra le prix du jury, une capsule sur le marché de ce pays et la liste des médailles Grand Or, Or et Argent. Cette dernière communication sera envoyée à toutes les interprofessions du monde.

L’objectif est de dorer la médaille de Sélections Mondiales, de redonner de la visibilité aux producteurs et que ces derniers avec leur interprofession capitalisent sur cette reconnaissance dans leurs propres stratégie de communication.

(VF) : Avec cette prolifération de concours comment le consommateur peut-il s’y reconnaître quand on sait que dans les concours il y en a des bons et des moins bons. Comment le Concours Sélections Mondiales parvient-il à se distinguer d’une façon qui soit crédible au niveau du consommateur?

(RW) : La notoriété de Sélections Mondiales est vieille de 27 ans. C’est une marque forte qui est mondialement connue. En reprenant la marque Sélections Mondiales ce que je voulais c’est de la renforcir en la repositionnant.

Au niveau du consommateur c’est de s’assurer que les médailles se retrouvent sur les bouteilles ce qui apporte beaucoup de valorisation. Une des choses  que j’ai mise en place et que je considère innovant c’est d’associer la valeur des médailles et la valeur des notes. Il faut savoir que dans le marché, il y a deux types de notations qui sont fortes aujourd’hui : les notes sur 100 et les médailles.

Les médailles d’Or il y a 20 ans c’était le summum. Tu n’avais pas besoin d’un score; c’était la médaille d’Or point final. Aujourd’hui, ce n’est plus ça parce qu’un score de 90 c’est perçu comme valant plus qu’une médaille d’Or. Alors ce que j’offre aux producteurs cette année c’est le choix entre une médaille d’Or (pour les marchés plus classiques) ou un score avec la médaille d’Or pour compétitionner contre les guides. Ceci permettra alors aux consommateurs de pouvoir comparer entre les divers produits.

C’est aussi la raison pour laquelle nous avons déterminé que c’est avec un score minimum de 89 qu’on pouvait obtenir une médaille d’Or. Il fallait que le consommateur puisse s’y retrouver et établir la valeur de ces médailles dans l’univers des notes.

Il est plus facile pour le consommateur de reconnaître une médaille et un score de 89 points et c’est la base  de la distribution des médailles. Les médailles Grand Or commencent à 92 points ce qui est très bien reconnu dans le marché.

(VF) Parles moi des challenges d’organiser un tel événement en pleine Covid?

(RW) : Je me suis souvent demandé si j’y arriverais car au départ tu y investis de l’argent, les partenaires aussi et tu n’es payé qu’à la fin de l’événement ce qui ajoute beaucoup de pression. C’est un risque que tu prends comme entrepreneur. Je suis resté tout le long du processus focussé sur les producteurs. On devait faire l’événement parce que les producteurs s’y étaient engagés.

Alors je suis allé en sous-terrain et le fait d’être connu dans l’industrie et à la SAQ m’a beaucoup aidé à obtenir le support de tous et chacun. Ce qui a été plus que déterminant ça été le support de la SAQ. Je  suis retourné les voir pour leur expliquer la situation et leur présenter une formule ‘’win win’’ que je croyais leur être acceptable. J’ai travaillé à la SAQ pendant 20 ans et disons que cette relation m’a beaucoup aidé.

Ce que je leur ai offert c’est la top liste des 50 meilleurs produits (les 50 meilleures notes du concours). À partir de cette liste je demandais à la SAQ de choisir 25 produits, de les mettre au catalogue web gratuitement, de les déguster et par la suite de décider s’ils voulaient les acheter ou non. Pour l’industrie c’était une reconnection avec le monopole.

Suite à nos discussions nous leur fournirons donc cette liste des meilleurs 50 vins du concours ainsi qu’une recommandation des 25 vins à mettre au catalogue web car la SAQ nous a demandé d’identifier nous-mêmes ces vins. Nous allons donc choisir parmi les vins qui sont les plus susceptibles d’être achetés et ce, avec des prix différents, provenant de zones différentes et ce afin d’avoir une bon mix de produits. Ce sera à la SAQ par la suite de déterminer s’ils veulent les acheter.

Cette approche a beaucoup plu à l’industrie et ça a redémarré le projet dans son ensemble car on voyait que le lien avec la SAQ était relancé et que la démarche était sérieuse.

(VF) Une fois la poussière retombée, quelle sera selon toi la mesure de succès?

Dans un concours il y a deux éléments cruciaux. Les rentrées d’argent provenant de la prospection qui permettent de faire l’événement et la vente des médaillons. Si le concours est fort, si la marque est forte, la présence du médaillon sur une bouteille vient témoigner avec crédibilité du succès du vin au sein de ce concours.

Il faut savoir que les producteurs qui auront gagné une médaille doivent acheter les médaillons (en rouleaux) qu’ils apposeront sur leurs bouteilles. Ceci permet aux producteurs d’utiliser la notoriété du concours. Ils paient donc un droit d’utilisation.

Les producteurs peuvent choisir parmi des ‘’packages’’ d’utilisation des médailles. Par exemple un ‘’package all included’’ permet l’utilisation sur les affiches, internet, bouteilles et autres médias. Par contre un producteur peux aussi n’acheter que des médaillons qu’il apposera sur ses bouteilles.

La présence de ces médaillons sur les bouteilles agit comme une campagne de publicité mondiale puisqu’ils se retrouvent partout dans le monde.

(VF) : C’est pour toi comme une nouvelle carrière?

(RW) : Durant ma carrière j’ai pas mal fait le tour de la business et aujourd’hui ce que j’aime c’est que j’ai une marque entre les mains, j’en suis propriétaire et j’ai, à mon avis, toute l’expérience nécessaire pour la rédévelopper et en faite un outil important dans le monde vinicole.

(VF) : Merci beaucoup Réal et félicitations pour le succès du concours.