Je rencontrais récemment Jean-Sébastien Marionnet propriétaire du Domaine de la Charmoise avec son père Henry Marionnet. Le Domaine est situé à Soings-en-Sologne à environ une heure de Tours dans la superbe Vallée de la Loire. Je connaissais déjà Jean-Sébastien pour avoir visité son Domaine en 2019.
Alors pour se situer un peu voyons voir ce qui distingue entre autres ce Domaine des autres. Pour ceux et celles qui veulent en savoir plus j’ai ajouté l’entrevue complète que j’avais faite avec Jean-Sébastien en 2019 à la fin du cet article.
Des vignes Franc de Pied
Tout d’abord ce qui distingue le domaine ce sont ce que j’appelle deux facteurs qualitatifs mais aussi qui peuvent comporter une certaine dose de risque. Environ 10% des vignes sont en Franc de Pied, c’est-à-dire non-greffées.
Il faut savoir que cette terrible maladie qu’est le Phylloxéra a détruit l’entièreté du vignoble européen au début du siècle dernier et que les vignes ont été replantées sur des porte-greffes américains. Celles chez Marionnet ne l’ont pas été (en partie) et sont donc possiblement plus à risque de contacter cette maladie. Par contre mes amis ça donne des vins éclatants avec une personnalité bien à eux.
Des vins sans souffre
De plus, plusieurs vins sont élaborés sans souffre ce qui donne des vins tout en fruits et d’une belle pureté. Incroyable ce que ça peut donner le sans souffre quand c’est bien fait! Et c’est tout un art car il faut constamment vérifier toute déviance lors de la fermentation. C’est du sans filet!
On ne fait du sans souffre qu’avec les rouges et le premier a été Premières Vendanges Gamay qui a été élaboré pour la première fois en 1990 par Henry Marionnet.
Le cépage Romorantin
Ce cépage Romorantin est uniquement planté dans le Loir-et-Cher, ou il est à l’origine de l’AOC Cour-Cheverny. Le Romorantin est un fils direct du Pinot Noir et du Gouais Blanc tout comme le Chardonnay comme le Gamay et comme le Melon de Bourgogne. Il y en a en fait 13 descendants.
C’est François 1er qui il y a près de 500 ans a fait venir du Romorantin pour les planter au Château de Chambord. Il a fait venir 80,000 plants de vignes de Beaune pour un vin blanc et semble-t-il que c’était du Romorantin.
Le Domaine de la Charmoise possède la plus vieille vigne de France qui a 180 ans (qu’on appelle Provignage) qui fait partie d’une toute petite parcelle plantée de Romorantin. Suite à des vérifications il appert que cette parcelle est l’arrière arrière-petite fille de cette vigne originelle.
Des vignes pour le Château de Chambord
Enfin et c’est toute une histoire, Jean-Sébastien et Henry Marionnet sont consultants dans le développement des vins du Château de Chambord qui sont élaborés à partir des vignes originelles de celles que François 1er a fait venir il y a environ 500 ans.
La dégustation
Henry Marionnet, M, Domaine de la Charmoise, Sauvignon blanc, France, Val de Loire, Touraine AOC, 2020, 19,05$, sucre : 1.7 g/l, alc. : 13%, code SAQ : 12562529.
Ce vin est issude vignes provenant de sélection massale, plantées entre 1967 et 1982. Elles sont plantées dans des sols de type « Perruches » qui sont constitués d’argile à silex avec plus ou moins de sable ou de graviers. Les vendanges sont manuelles et la vinification est effectuée dans des cuves inox.
Notes de dégustation
Ce vin est un véritable retour aux sources pour le Sauvignon blanc. Mettez de côté vos préjugés et attentes et dégustez une interprétation bien personnelle du Domaine pour ce cépage.
Au nez on découvre un fond d’agrumes, de belles notes florales avec un soupçon de coing et de pêches blanches.
En bouche c’est délicat, élégant et on retrouve des flaveurs d’agrumes, de fruits blancs, de pêches blanches le tout avec une certaine retenue. Bonne amplitude qui se conjugue avec une belle perception de minéralité ainsi qu’une acidité bien nette.
Un beau coup de cœur!
Vous ferez de beaux accords avec les crustacés, les poissons de mer ou de rivière, les charcuteries, les viandes blanches et le fromage de chèvre.
Henry Marionnet, La Pucelle de Romorantin, Domaine de la Charmoise, France, Val de Loire, Vin de France, 2018, 39,75$, cépage : Romorantin 100%, sucre : moins de 1.2 g/l, alc. : 12.5%, code SAQ : 12825798.
Possiblement le meilleur cépage de la Loire pour les blancs ces raisins proviennent de vignes dont certaines sont à l’extérieur de l’appellation.
‘’On a la chance d’avoir la plus vigne de France qui a 180 ans qui fait partie d’une toute petite parcelle que l’on a. Donc c’est du cépage Romorantin et il y a 10 ans on a fait du bouturage que l’on a multiplié en pépinière et sans être greffées. Au bout d’un an la pépinière nous les a redonnées et on les a plantées tout à côté de cette très vieille parcelle (sa mère). Et donc on l’a appelée La Pucelle de Romorantin car c’est la fille de Provignage (le nom de cette vieille vigne)’’ – Jean-Sébastien Marionnet.
Notes de dégustation
Ce vin se révèle au nez sur des arômes floraux assez discrets et délicats, quelques notes de miel et de pêches blanches.
En bouche la texture légèrement grasse et élégant et l’acidité est bien fraîche s’harmonisent avec des flaveurs de pêches blanches, de miel, de cire d’abeilles ainsi qu’un soupçon d’agrumes. Belle profondeur aromatique.
Vous ferez de beaux accords avec des crustacés, du foie gras, du poisson en sauce et des fruits de mer.
Henry Marionnet, M, Domaine de la Charmoise, France, Val de Loire, Touraine AOC, vin rouge, 2020, 18,60$, cépage : Gamay 100%, sucre : 2.3 g/l, alc. : 12%, code SAQ : 329532.
Ce vin est vinifié en macération carbonique (sous atmosphère de gaz carbonique) ce qui cause une fermentation « intracellulaire ».
Notes de dégustation
Année après année ce vin est un coup de coeur comme bien des vins de ce producteur. Il se révèle au nez sur des arômes intenses et profonds de fraises, de framboises, de cassis ainsi que des notes de kirsch et de bleuets.
En bouche ce vin possède une matière riche et dense avec une texture veloutée, une acidité fraîche et des tannins équilibrés. Les flaveurs riches et croquantes de fruits rouges très mûrs avec un soupçon d’épices, de canneberges et de groseilles se prolongent en une belle amplitude en une longueur surprenante.
Vous ferez de beaux accords avec du boudin noir, des côtelettes de cochon de lait et des côtes de veau.
Henry Marionnet, M, Première Vendange, France, Val de Loire, Touraine AOC, vin rouge nature, 2020, 25,20$, cépage : Gamay 100%, sucre : 1.8 g/l, alc. : 13%, code SAQ : 12517875.
Gamay à jus blanc 100%, sans sulfites, qui a été fait pour la première fois en 1990. Premières Vendanges pour témoigner des premières vendanges faites au début de l’histoire du Domaine. Les vins alors n’étaient faits qu’avec du raisin et pas de produits œnologiques. Et ça sent le raisin! Un peu comme si on se mettait le nez dans un casseau de fruits tant au nez qu’en bouche.
‘’Donc le premier millésime c’est 90, donc ce n’est pas moi, c’est mon père qui l’a fait. Il y est arrivé avec une qualité de raisins les meilleurs possible, les plus sains possible avec un bon équilibre richesse et acidité. Et puis vendanges manuelles forcément et ensuite être très rigoureux, très propre à la cave et utiliser des cuves inox (faire des vins sans souffre dans des barriques ce n’est pas conseillé), et il faut bien protéger le vin.’’ Jean-Sébastien Marionnet
Notes de dégustation
Plus dense et plus concentré que le Gamay précédent même si la seule différence n’est que l’absence de souffre. Ce vin prouve que les sulfites ont tendance à gommer les arômes primaires (de fruits) du vin.
Il se découvre sur des effluves de fruits rouges très mûrs (fraises, framboises, cerises), de fruits noirs, d’épices et de notes de violettes.
La bouche est une explosion de flaveurs de fruits rouges, d’un soupçon de fruits noirs et d’épices douces. S’y conjuguent des tannins équilibrés et une acidité bien fraîche. Absolument délicieux.
Vous ferez de beaux accords avec du boudin noir, des côtelettes de cochon de lait et des côtes de veau.
Agence VinsFins – dégustation
Restaurant Renoir – Sofitel Montréal
Cette dégustation a eu lieu au restaurant Renoir de l’hôtel Sofitel à Montréal.
Entrevue avec Jean-Sébastien Marionnet – 2019
CL/LM (Claude lalonde et Luc Marier) : Vous avez une réputation de ne pas faire les choses comme les autres avec les vignes Franc de Pied, le sans souffre et autres. Est-ce un côté rebelle? Comment voyez-vous tout ça?
M (Jean-Sébastien Marionnet) : Rebelle c’est un bien grand mot. On essaye d’innover, toujours en quête du bon goût. Je ne vous apprends rien. Il faut innover pas seulement pour innover, on est dans la recherche du goût et il faut trouver ce qu’il y a de plus pur. Voila.
Il y a deux grandes particularités ici. Le fait d’avoir des vignes non greffées et de faire des vins sans sulfite améliorent le goût du vin. C’est indéniable! J’essaye de faire le vin à mon goût, un vin qui me plaise. J’en bois beaucoup et je veux qu’il soit bien digeste. Puis on veut le faire partager et le faire connaître.
CL/LM : Vous avez dit que vous recherchez ce qu’il y a de plus pur. C’est quoi selon vous la pureté?
M : C’est le raisin. Le fruit, le goût du raisin.
CL/LM : Et les intrants?
M : Moins vous y touchez moins vous en mettez et mieux ça vaut.
CL/LM : Donc vous êtes loin des labels comme bio?
M : Je n’ai pas besoin de labels de ce genre. Je crois que nous pourrions être considérés comme agriculture biologique. Ça aide toujours. Mais c’est vraiment une démarche commerciale et peux-être j’y viendrai un jour. Peu importe, on verra. (NDLR : le Domaine est depuis en conversion bio). Mais vous savez l’agriculture biologique ne parle que de la culture de la vigne. Une fois que les raisins ont passés les portes de la cave, ils sont logés à la même enseigne que tout le monde. On peut y ajouter une liste d’intrants aussi longue qu’ailleurs. Peut-être avec des doses plus basses. C’est la même chose avec les vins sans souffre. Les gros faiseurs de vins qui arrivent à faire des vins sans souffre depuis quelques années mais quand on regarde leur mode opératoire c’est aberrant! Certes ils ne mettent pas de souffre mais il faut voir tout ce qu’ils mettent à côté pour essayer d’avoir des vinifications sans déviances et qui vont jusqu’au bout et sans problème. Autant mettre du souffre et pas tous ces produits œnologiques qui modifient le goût du vin et qui ne sont pas du tout bons à boire.
Le souffre c’est une avancée œnologique majeure qui a 200 ans qui a été utilisée pour la première fois au milieu du 19ième siècle. Et avant ça, les gens buvaient des vins piqués, dégueulasses et c’est pour ça que les rois de France buvaient des vins imbuvables et c’est pour ça qu’ils les coupaient avec de l’eau de mer, des épices, tout ce qu’ils trouvaient.
CL/LM : Ici on s’en tire comment avec le sans souffre?
M : Avec le sans souffre, le premier millésime qui a été fait c’est il y a 30 ans en 1990. Moi je ne fais des vins sans souffre que sur le rouge et pas sur le blanc. Donc c’est la cuvée Première Vendange que vous devez connaître puisqu’il est commercialisé au Québec. Donc le premier millésime c’est 90, donc ce n’est pas moi, c’est mon père qui l’a fait. Il y est arrivé avec une qualité de raisins les meilleurs possible, les plus sains possible avec un bon équilibre richesse et acidité. Et puis vendanges manuelles forcément et ensuite être très rigoureux, très propre à la cave et utiliser des cuves inox (faire des vins sans souffre dans des barriques ce n’est pas conseillé), et il faut bien protéger le vin.
Une fois que les raisins ont passés les portes de la cave tout est saturé de gaz carbonique. Le jus de raisin, le moût n’entrent jamais en contact avec l’oxygène, l’air. Ensuite en pleine fermentation on fait des analyses quotidiennes de chaque cuve pour voir s’il n’y a pas de déviances et le paramètre le plus sensible, le plus critique c’est l’acidité volatile (la piqure acétique).
CL/LM : Quand on goûte au Première Vendange on ne voit pas de différence dans les bouteilles d’une même caisse ni de différences quel que soit l’endroit ou on le déguste. Souvent les vins sans souffre donnent des odeurs plus ou moins agréables. Pourtant on ne retrouve pas ces problèmes chez vous. Qu’en est-il des conditions de transports qui impactent le vin et sur lesquels vous n’avez pas ou peu de contrôle?
M : Je n’ai jamais eu de soucis une fois que le vin a quitté notre maison. Les gros problèmes ne sont pas après que le vin a été fait. Les gros problèmes ils arrivent au niveau de la vinification. Pendant les fermentations pendant que vous avez du raisin en fermentation c’est là que ça peut dévier de façon fulgurante, et ça nous est déjà arrivé, et en une nuit vous pouvez perdre la cuve entière du fait de la montée de l’acidité volatile.
CL/LM : Qu’est-ce qui va créer ces conditions?
M : Alors ce sont plusieurs facteurs, mais le principal c’est que la malolactique se fasse avant la fermentation alcoolique. Une fois que la malo est faite et que la fermentation alcoolique n’est pas commencée les bactéries lactiques qui restent attaquent le sucre qui reste et en attaquant le sucre ça créé de la volatile et puis voila. Si ça se passe il n’y a que le souffre qui arrête tout.
CL/LM : Et un vin nature sans souffre est-ce que c’est réellement sans souffre?
M : Il n’y a pas de législation ou de cadre législatif pour les vins nature. Il n’y a pas de définition. N’importe qui peut en faire supposément. Un vin est nature c’est antinomique. C’est ce qu’il faut dire à vos lecteurs, si vous laissez un verre de vin fermenté naturellement dans un récipient, dans une cuve ou n’importe quoi, ça devient du vinaigre. S’il y a intervention de l’homme ce n’est plus nature. Ou alors, si on parle d’un vin nature, c’est un vinaigre. Celui qui fait des vins nature il le prouve comment? Il va te dire ‘’On utilise des levures naturelles, qu’on produit nous-même’’. Alors c’est pas vrai. Ils en produisent mais c’est infinitésimal. C’est de l’arnaque! En plus c’est assez sectaire, c’est idéologique, et en majorité, pour nous ce qu’on va trouver comme des défauts, pour eux ils verront ça comme des qualités. Alors on ne vit pas sur la même planète. On cause pas le même language. Il n’y a pas d’échanges. Il y a cette mouvance là et elle existe de plus en plus.
CL/LM : Et votre opinion sur la biodynamie?
M : Je ne sais pas. Nous on est plus dans le bio que dans la biodynamie. Mais vous savez c’est assez proche. La biodynamie est en fonction des astres et autres, vous connaissez. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue c’est le but de la viticulture qui est d’obtenir le raisin le plus sain possible. La parole d’Émile Peynaud ça été :’’Donnez-moi le meilleur raisin du monde je ferai le plus grand vin du monde’’. C’est notre travail de tous les jours. Ça commence par les rendements petits à moyens, ensuite il faut un état sanitaire irréprochable, il faut que ce soit aéré, il ne faut pas que les grappes se touchent l’une et l’autre.
CL/LM : Pourquoi planter Franc de Pied?
M : C’est mon père en 1992 qui a planté un hectare de Gamay. Et le premier millésime en 1995 on a vu la différence entre la vigne greffée et celle non-greffée. Et gustativement tout était en faveur des vignes non-greffées. Ça été une véritable révolution. Il y a toujours le risque du Phylloxéra mais pas ici car on a un sol sable avec argile. Alors on vit dans le risque avec le sans-souffre et avec les vignes Franc de Pied.
Suite à notre expérience avec le Franc de Pied, il y a des vignerons de la Loire qui se sont essayés. Mais ils ont malheureusement eu du Phylloxéra.
J’ai 5 parcelles non greffées pour les Franc de Pied dont Sauvignon, Gamay, Malbec, Chenin et Romorantin. Tout ça c’est vinifié à part et c’est qu’une parcelle. Premières Vendanges c’est un assemblage de plusieurs parcelles. J’ai 5 hectares et demi en Franc de Pied sur 62 hectares, presque 10%. Nous n’avons pas l’intention d’élargir le Franc de Pied. Vous savez si un jour il y a le Phylloxera…On ne veux pas prendre ce risque additionel.
À Chambord tous les Romorantin sont Franc de Pied (4 hectares provenant des boutures de la vieille vigne), un hectare en Sauvignon et un hectare en Hors Bois (Arbois) ce qui fait 6 hectares sur un total de 14. La proportion est plus élevée la que chez nous. Les vignes n’existaient plus à Chambord et c’est l’État qui nous a demandé conseil sur les solutions à entreprendre. En fait je suis consultant dans ce projet.
CL/LM : Utilisez-vous la grappe entière?
M : Moi j’utilise toujours la grappe entière. Depuis tout le temps.
CL/LM : Quels sont les implications de cette utilisation de la rafle entière?
M : Tout dépend du temps de macération, de la cuvaison. Si vous le faites sur une période 3 semaines vous pouvez avoir des problèmes de goût de rafle. Moi c’est 8 jours de macération. On décuve au bout de huit jours et je presse en grappe entière. C’est 62 hectares ramassés à la main (à un passage) dans les petites caisses de 15 kg et ça dure un mois. Si on a besoin de trier ce sera sur pied. Surtout pas de table de tri parce que le fait de vinifier en grappes entières il faut que la grappe arrive la plus intacte possible. Moins elle est manipulée moins il y a de raisins écrasés, le mieux ce sera. Car le but de la macération carbonique intra-cellulaires c’est que le jus fermente à l’intérieur de chaque baie de raisin.
Donc c’est ramassé dans des petites caisses et chacune de ces petites caisses sont vidées directement dans les cuves inox sous gaz carbonique. Et la macération est pour huit jours. La seule chose c’est que je règle la température à 30 degrés dès l’encuvage. Il n’y a pas de levures et il n’y a pas de souffre et il n’y a rien d’autre. Et là, la fermentation alcoolique elle explose. Plus besoin de faire autre chose. Et il n’y a pas de remontage. Je n’y touche pas. Donc cuve inox fermée et aucun vieillissement sous-bois.
CL/LM : Et vos rendements?
M : On est entre 40 et 45 hl/ha un peu moins en blanc qu’en rouge.
CL/LM : Parlez-nous des cépages oubliés.
M : J’en ai qu’un. Le Gamay de Bouze. On pourrait ajouter le Romorantin mais il n’est pas oublié celui-là. Nous étions parmi les seuls à en produire. C’est un cépage à jus rouge de Bouze-les-Beaune qui est un village au-dessus de Beaune et qui a été observé pour la première fois au milieu du XIX siècle et il a été planté dans ma région ainsi qu’en Beaujolais et bien sûr un peu en Bourgogne. On en voyait au milieu de la Côte de Nuit avec le Pinot Noir et il y a 25 à 30 ans en arrière il avait droit à l’appellation AOC Touraine. Puis il a été déclassé de l’appellation par l’INAO et est maintenant classé en IGP. Les gens l’ont arraché pour replanter en Gamay Noir à jus blanc classique. Et c’est comme ça qu’il a complètement disparu. Et nous on en a toujours fait avec un bon hectare de vigne et toujours fait une cuvée à part.
CLLM : Quelles sont les raisons qui vous motivent à ramener un tel cépage?
M : Déjà c’était un cépage traditionnel de Touraine, mon père en avait planté au début de sa vie. Donc au départ il avait droit à l’appellation et on mélangeait avec le Gamay Noir à jus blanc. Et une fois sorti de l’appellation il en a fait une cuvée à part. Ça donne un goût vraiment différent du Gamay et il n’est qu’en mono-cépage. Il ne faut ressortir un cépage sur le seul fait qu’il a été oublié. Il faut qu’il soit de qualité. C’est déjà fastidieux et très long. Il faut attendre de 20 à 25 ans pour savoir si ça donnera quelque chose d’intéressant.
CL/LM : Quel est l’âge des vignes?
M : Les premières ont 60 ans. En fait ça va de 60 à 40 ans. Après il y a de jeunes vignes qu’on a replantées.
CL/LM : Il y a toujours eu de la vigne ici?
M : Alors moi je suis la 3ième génération car c’est mon grand-père qui en 1921 a débuté le tout. Il a fait la guerre 14-18 et il s’est marié avec ma grand-mère et c’est un terrain de ma grand-mère paternelle.
CL/LM : Et les changements climatiques ça vous affecte comment?
M : Dans la Loire nous sommes quand même la partie la plus septentrionale de la France. Ça a plus de bon que de mauvais pour nous. Depuis le début des années 2000 c’est plus facile. Déjà on vendange plus tôt et c’est mûr. Il y a eu des années ou on ramassait à peine mûr. Les vins s’en trouvent grandement améliorés.
En 2018, ça été très pluvieux puis le restant de l’été ça été plein soleil. Puis on a eu des problèmes de sécheresse sur certaines parcelles et de jeunes vignes. Vers la fin août la maturité a été bloquée tellement il faisait chaud et la vigne avait soif. Puis ça c’est débloqué et on des maturités dingues et un bel équilibre. Et depuis 2014 c’est la qualité incroyable dans la Loire. La dernière année difficile ça été 2013.
0 commentaires