J’avoue que je connaissais peu le Domaine Labranche avant de déguster quelques-uns de leurs produits pour écrire cet article. J’avais vu certains de leurs produits dans des magasins d’alimentation et ceux dont je me souvenais étaient élaborés à partir d’eau d’érable. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre et je m’en étais peut-être fait une idée préconçue.

D’un autre côté leurs vins tranquilles, dont le blanc et le rouge, ont la classification IGP ce qui est gage de haute qualité. De plus, leurs œnologues sont Jérémy d’Hauteville et Richard Bastien de R&J Oenology dont la réputation n’est plus à faire. Et finalement, Louis Desgroseilliers, Président et Vigneron me disait en entrevue : ‘’Chez nous on a une philosophie qui dicte nos actions :  »Tant qu’à faire les choses, aussi bien les faire comme il le faut. On a toujours eu le souci de bien faire les choses’’.  Finalement, j’aurais du m’en douter, les vins du Domaine Labranche m’ont enchanté. Alors veuillez trouver mes impressions de leurs vins.

De plus vous trouverez l’entrevue que j’ai faite avec Louis Desgroseilliers qui m’a beaucoup impressionné par la clarté de ses propos, la synthèse des stratégies du vignoble et sa passion pour les vins qu’il élabore.

Domaine Labranche

Le Domaine Labranche, c’est d’abord la cabane à sucre de la famille Desgroseilliers, construite à proximité de Saint-Isidore, en Montérégie et qui date de la première moitié du XXe siècle. C’est à partir de 2009 que Le Domaine Labranche se développe, au-delà de l’érablière, en une cidrerie et un vignoble, le tout alimenté par l’esprit ‘’d’entrepreneuship’’ de la nouvelle génération de Desgroseilliers composée de 6 enfants.

Ainsi, les produits du Domaine Labranche sont conçus dans cet esprit familial où tous et chacun participent à l’élaboration de produit de qualité tant au niveau maraîcher, pomiculture que du vignoble.

Notes de dégustation

Domaine Labranche, Vin blanc IGP, Primeur, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2019, $16.95, cépages : Frontenac blanc 100%, sucre : 1.5 g/l, 12.5%, code SAQ : 12962573.

Domaine Labranche, Vin blanc IGP, Primeur, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2019

Assez surprenant ce vin blanc avec au nez des effluves bien aromatiques de fruits exotiques (ananas), de pêches et de notes florales. En bouche la texture est légèrement grasse, l’acidité moyenne et les flaveurs de fruits exotiques et de fruits blancs créent un très beau profil aromatique des plus satisfaisant. La persistance est moyenne et on retrouve une légère amertume en fin de bouche.

Très polyvalent vous ferez de très accords avec des volailles grillées au BBQ, jambon à l’ananas, plats à base de porc. Vraiment super servi en apéritif.

Domaine Labranche, Cuvée Marcel, Vin rouge IGP, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2018, $18.55, cépages : Frontenac noir 100%, sucre : 1.6 g/l, 14%, code SAQ : 13374757.

Domaine Labranche, Cuvée Marcel, Vin rouge IGP, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2018

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre de ce vin rouge. D’emblée, je préfère les blancs aux vins rouges du Québec. Je trouve que le climat du Québec se prête plus à l’élaboration des vins blancs. Et là, oh surprise…On me l’aurait donné à l’aveugle…

J’ai beaucoup aimé son équilibre nez, bouche, ses notes boisées bien fondues (je ne suis un fan des notes boisées…mais celles-là…) bref l’ensemble de son œuvre et son profil aromatique.

Le nez s’ouvre sur des arômes de crème de fruits rouges, de cerises noires, de notes boisées bien intégrées, d’épices douces avec comme un soupçon de toffee. La bouche est tout en équilibre et bien goûteuse. La texture veloutée, l’acidité équilibrée et les tannins très souples, ronds et joufflus se marient aux flaveurs de notes boisées bien fondues, de fruits très mûrs et le tout culmine en une finale juteuse, agréable et persistante.

Vous ferez de beaux accords avec des plats mijotés longtemps et des braisés de bœuf.

Domaine Labranche, Vin d’érable, Classique, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2019, $14.95, sucre : 9.6 g/l, 12 %, code SAQ : 12981643.

Domaine Labranche, Vin d’érable, Classique, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2019

C’est la première fois que je goûtais à ce genre de produit et s’il avait été servi à l’aveugle, j’aurais dis que c’était un vin blanc de région nordique s’apparentant au profil aromatique d’un Chenin blanc avec un niveau d’acidité plus élevé.

Au nez sur des arômes de cire d’abeille (Chenin blanc), de tilleul, d’eau d’érable (mais vraiment un soupçon) de foin et de pommes. La bouche domine sur une perception de minéralité avec une texture légèrement veloutée, une acidité bien présente et des flaveurs de pommes et de foin. Plus subtil que ce à quoi je m’attendais.

Je le boirais en accord avec des mets asiatiques et des mets épicés. Possiblement en apéritif mais surtout avec de la bouffe.

Domaine Labranche, Rosé, Érable et Framboise, Vin d’érable aromatisé à la framboise, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2018, $14.95, sucre : 11.0 g/l, 11.5%, code SAQ : 14042252.

Domaine Labranche, Rosé, Érable et Framboise, Vin d’érable aromatisé à la framboise, Québec, Saint-Isidore-de-Laprairie, 2018

Alors qu’avec le produit précédent, on aurait certainement pu se tromper avec un vin, ce n’est pas le cas avec ce produit. Le nez est résolument aromatique et très parfumé sur des arômes de framboises, de pommes grenade et d’eau d’érable. La bouche est dominée par les flaveurs de framboises ainsi qu’une acidité bien fraîche. Je le servirais bien froid en apéritif et je tenterais l’expérience avec un dessert aux fraises.

Les vins du Domaine Labranche sont disponibles dans les IGA, Metro, Provigo, SAQ et dans des Boutiques spécialisées.

Entrevue avec Louis Desgroseilliers – Président et Vigneron

Louis Desgroseilliers

Vinformateur – Claude Lalonde (VF) : Parlez-nous de comment vous êtres partis d’une érablière, de la pomiculture et de l’agriculture maraîchère pour en arriver à mettre sur pied un vignoble?

Louis Desgroseilliers (LD) : ‘’À la base nous sommes une famille de 6 enfants dont 4 garçons qui avons repris les rênes de l’entreprise agricole familiale. Nous en sommes rendus à la huitième génération qui sont agriculteurs et qui cultivent les terres agricoles de notre région, soient Saint-Isidore et autres régions.  Il faut savoir que nous sommes aussi dans la production maraîchère qui est une branche importante de nos activités.

Nous avons aussi la cabane à sucre qui en est à sa 102ième année d’opération avec quatre générations. On se retrouve à récolter carrément l’eau d’érable que les membres de ma famille, à partir des érables que mon arrière-grand-père a planté.

Cabane à sucre

Vers 2009, mon père qui était entrepreneur, on est une famille d’entrepreneurs en fait, avait le goût de planter de la vigne dans une éventualité de revendre le raisin. Il y avait à l’époque un marché potentiel dans la revente de raisins et à ce moment j’étais en train de compléter mes études en gestion d’entreprises agricoles.

C’est donc en 2009 qu’on a rencontré deux œnologues que vous connaissez probablement soient Jeremy d’Hauteville et Richard Bastien qui ont fondé ensemble un bureau conseil en œnologie. Donc on a eu la chance de rencontrer ces deux personnes que j’affectionne et que j’estime beaucoup. Ils sont depuis le début nos œnologues conseils.  En fait, on les a rencontrés lors d’une conférence en lien avec la viticulture.

Lors de cette rencontre on leur fait goûter à nos alcools qu’on élaborait à ce moment-là. On les faisait pour notre consommation personnelle et par plaisir, non pas pour la vente. Il faut savoir qu’on a toujours eu dans la famille le souci de bien faire les choses et ils ont été surpris par la qualité de nos produits.

Vu notre désir de passer à un autre niveau et de passer à un projet d’affaire ils se sont mis d’accord pour nous accompagner dans notre projet. Ils sentaient comme nous le niveau de potentiel. C’est là que mon père s’est tourné vers moi et m’a demandé si le projet m’intéressait. Mon père n’était pas prêt à prendre ce projet-là de front. Même si on considérait le potentiel à l’époque, on ne savait pas que ça deviendrait si important. Et j’ai sauté à pieds joints dans le projet.

On a commencé avec la plantation de vignes. Quand on a commencé à se faire la main avec le vin et avec le cidre (la pomiculture a toujours fait partie de notre culture) on s’est dit que si on était capable de vinifier les deux on serait aussi capable de fermenter de l’eau d’érable. Et c’est de là qu’à découlé la gamme complète de produits que nous avons maintenant.

Je ne pense pas qu’à l’époque nous avions l’intention de développer toute cette gamme de produits soient le rosé à l’eau d’érable et à la framboise, l’eau d’érable, le mousseux à l’érable, les vins desserts, les vins fortifiés et les vins tranquilles. Donc nous avons découvert au fur et à mesure d’essais et d’erreurs que l’eau d’érable a beaucoup de potentiel. Ça donne un produit riche qui donne un éventail assez large de possibilités’’.

VF : ‘’Au niveau de la marque et de l’emballage je vois que vous utilisez la même approche. Avez-vous l’intention de vous démarquer avec les vins dits tranquilles?

LD : ‘’Oui, tout à fait! L’idée c’est que le marché du vin est grandissant ce qui n’était pas la réalité il y a quelques années, mais dernièrement cette demande pour les vins du Québec s’amplifie. Il y a un engouement pour l’achat local, qui commence à prendre un essor qui est en train de prendre tout son sens et qui fait en sorte que la demande a beaucoup augmentée. Les gens sont de plus enclins à consommer des vins rouges et des vins blancs du Québec.

Les implications sont multiples. Nous avons actuellement environ 5 hectares en production de vigne ainsi que deux hectares supplémentaires qui seront plantés cette année et nous avons déjà des plans de commande (de plants de vignes) sur les trois prochaines années à raison d’une cadence de 2 hectares supplémentaires par année.

Comme on sait, c’est un gros investissement qui s’en vient. Ce sont en fait des investissements majeurs pour nous pour les prochaines années mais on le fait parce qu’on y croit et parce qu’on est satisfait et fiers des produits que nous avons élaborés jusqu’à date.

Pratiquement 90% de nos vins sont à base de Frontenac blanc pour le blanc et le Frontenac noir pour le rouge. On utilise des petits assemblages de Petite Perle et de Frontenac et un peu de Frontenac gris mais vraiment pas beaucoup, et on a aussi également le Saint-Pépin.

Cette année on va peut-être embouteiller 300 caisses de vin blanc et une cuvée spéciale avec le Saint-Pépin qui est élevé en fût de chêne et ça donne un produit extraordinaire. C’est un produit qui sera disponible cet automne. Il va y avoir aussi d’autres plantations de Saint-Pépin qui est un cépage capricieux. En termes de pollinisation c’est assez compliqué ce qui fait en sorte que quantitativement les années sont très variables, la majorité de la production est très faible, mais ça donne un produit extraordinaire. C’est dans les cépages préférés du Québec, rustique, très exubérant, très aromatique qui me fais penser au Muscat. C’est de toute beauté!

Dans les prochaines plantations à venir, il va y avoir le Marquette également qui sera en assemblage avec le Frontenac noir. Actuellement le Frontenac se complète très bien avec la Petite Perle et le Frontenac a une acidité un peu plus vive, un taux de sucre toujours très élevé qui nous permet d’offrir de beaux taux d’alcool. Ça nous permet d’aller chercher de beaux équilibres avec autour de 13 à 14% d’alcool. La Petite Perle et le Marquette ont des taux d’acidité plus bas, une teinte plus pâle mais par contre ils ont une charge tannique qui est plus élevée. L’assemblage va alors prendre tout son sens.

Crédit photo: Todd Roberts

À mon sens on est capable d’obtenir d’aussi bons vins rouges grâce à plusieurs éléments, mais l’assemblage avec la Petite Perle est quand même une piste de la solution. Et après ça un bon élevage en fût vient faire toute la différence’’.

VF : ‘’Je trouve intéressant que vous ayez commencé avec les cépages hybrides. Le focus a vraiment été mis sur ces cépages rustiques. Je crois par contre que vous avez l’intention d’ajouter du Vinifera dans le futur, est-ce bien toujours le cas’’?

LD : ‘’Vous avez raison. Ça fait partie d’une réflexion qui a quelque peu évolué dans le temps certainement dans les derniers mois surtout dû à la crise de Covid. Il faut comprendre que les coûts associés au Vinifera sont très onéreux à cause de la toile géotextile incluant son installation, la taille qui ne se fait pas au même moment. Mais ce sont surtout les coûts de la toile qui ont impact. On a des plans pour commander pour 2021, 2022, en Riesling et en Merlot. Ceci étant dit, on continue notre réflexion.

Vous avez goûté au vin rouge Cuvée Marcel, mon beau-père s’appelle Marcel, et on voulait lui faire plaisir. Cette cuvée est en fait un produit qu’on aime beaucoup. On en a un deuxième qui va sortir bientôt qui est la Cuvée Intégrale.

Cette cuvée sera élaborée avec toute la grappe entière. La grappe entière est passé dans le fouloir, on reprend la rafle, on garde les pépins on garde tout ça, les pelures tout au complet, on le fait fermenter avec ce qu’on appelle la fermentation en grappes entières.

On ouvre les fûts dans lesquels on fait la fermentation, on retire les couvercles, et on fait et la fermentation alcoolique et la fermentation malolactique dans le même fût. Par la suite tout est pressé, on reprend le moût et  on  le fait vieillir en fût. Avec les cépages rustiques si on les travaille bien, si on s’assure d’avoir une belle taille, d’avoir une charge modeste (c’est le nerf de la guerre) et un bon travail au Chai avec le vieillissement, on obtient des de très beaux produits même son on n’est pas dans le Vinifera.  Quant à la charge de la vigne, beaucoup de vignerons font cracher la vigne, on obtient parfois des taux d’alcool très faible et on est obligé de chaptaliser (ajout de sucre) ce qui n’est pas le cas chez nous.

Finalement c’est une question de segmentation de marché. En 2018 on avait une plus petite proportion de vins rouges et de blancs (de l’ensemble de nos produits). Cette année, on va avoir 17,000 bouteilles de blanc et à peu près 15,000 bouteilles de rouge. Tous produits confondus on est rendu à environ 50,000 bouteilles. On commence à jaser avec ces quantités-là. L’année dernière a été une assez bonne saison quantitativement et qualitativement comparativement a 2017 qui avait été pour nous très mauvaise. Avec ces quantités là ça commence à être intéressant.

Très bientôt quand on sera prêts à atteindre 20,000 bouteilles de chaque (rouge et blanc), notre intention c’est de s’assurer que le rouge et le blanc se vendent autour de $15.00, et on est capable de l’obtenir si on a des belles quantités comme celles qu’on vise. Et on est capable de le faire avec des cépages rustiques.

Quand on est en Vinifera on est automatiquement au-dessus de la barre des $20.00 à part quelques vignobles qui ont de grandes surfaces et qui sont mécanisés. Ce sont des cas d’exception.

Pour 90% des vignerons au Québec, c’est à peu près impossible de faire un bon rouge et un bon blanc avec du Vinifera et de l’offrir en bas de $20.00. Alors on est toujours en haut du $20.00 et même plus près du $25.00. Ce qui est bien correct mais il faut être conscient que 80% de la clientèle qui achète des vins au quotidien recherche des vins qui se vendent autour de $15.00.

Avec le rustique on est capable d’obtenir de très bons produits, si c’est vieilli en fût à $15.00. Pour moi les Vinifera c’est du $20.00 en montant. Ce sont deux segmentations bien différentes au niveau de la clientèle et au niveau de la mise en marché.

Dans cette réalité-là c’est tout à fait logique que 25% de la production soit vendu en haut de $20.00 et que le restant soit sous la barre des $20.00.

Lorsqu’un vin est vieilli en fût ça devient une question d’assemblage. Ça fait toute la différence. Un œnologue que j’avais rencontré dans nos démarches dans les années antérieures nous avait fait la recommandation d’utiliser diverses proportions de fûts usagés, de fûts neufs et de compléter avec du vin qui n’a pas vieilli en fût de chêne pour garder le fruit. C’est ce que nous faisons religieusement et ça donne des vins bien équilibrés’’.

VF : ‘’Pouvez-vous me parler de votre distribution. Je vois que vous êtes présents autant dans les chaînes d’alimentation qu’à la SAQ et aussi dans les épiceries fines. Comment faites-vous pour avoir une telle distribution’’?

LD : ‘’Chaque vigneron va mettre ses énergies directement en lien avec ses intérêts et je pense que la distribution reflète bien mes compétences et mon champ d’intérêt. On est sans prétention le vignoble le mieux distribué tout vignoble confondu. On a six représentants à temps plein sur la route alors que 90% des vignerons n’en ont pas. Certains travaillent avec une agence, nous nous avons des représentants (Montréal, Québec, Rive-Sud, Abitibi, Rive-Nord) ce qui fait que ça nous permet d’être très bien distribué. De plus, plusieurs gros projets s’en viennent qui seront dévoilés au fil des mois.

Finalement, le nerf de la guerre c’est de réussir à créer le meilleur produit possible et à le reproduire en plus grandes quantités possible. Ce qui fait qu’on est capable d’aspirer à une rentabilité éventuelle. Ça prend donc beaucoup de volume avec un produit de qualité. Il ne faut pas avoir peur de réussir’’!